Rendez-vous à partir du 4 octobre aux Ateliers de la Ville en bois.
Graphiste et typographe, je poursuis dans mon atelier un travail de création affranchi de la commande. Celui-ci se penche sur les diverses formes de l’écriture. J’explore les limites des outils et des procédés, anciens ou contemporains, pour en inventer de nouveaux. j’observe aussi minutieusement comment la nature laisse des traces singulières, écrit son propre récit.
MÉANDRES présente le fruit de ces recherches à directions variables.
Les 1, 2 et 3 juillet dernier, s’est tenu le festival Fumetti, kermesse graphique de Bande dessinée et édition. Organisé par Maison Fumetti, l’évènement a rassemblé curieux et professionnels sous un soleil un peu timide. Au côté du collectif Sans Shérif, j’ai mis au point et encadré une courte animation pédagogique permettant aux participants de se fabriquer un petit livre, à partir d’une planche A3 pré-imprimée recto-verso sur le thème du foot (quart de finale oblige) contentant quelques textes ou activités à remplir au crayon. Nous avons réalisé un jeu de tampons aux formes simples mis à disposition des participants pour les inviter à illustrer de manière libre leur ouvrage. La planche, une fois remplie, illustrée, pliée, reliée, et massicotée devient un petit livret personnalisé de 16 pages.
Voici le déroulé des 6 jours que j’ai passés dans le fablab Plateforme C, à Nantes la semaine dernière. Organisée par l’association PiNG et le collectif Grante ègle, la résidence Papier/Machine a réuni, durant une semaine, 6 créateurs graphiques (sérigraphes, illustrateurs, graphiste, typographes…). L’objectif était d’observer comment nos pratiques de travail plutôt traditionnelles et manuelles pouvaient converser avec les usages et les usagers de ces nouveaux espaces de travail que son les fablabs. PiNG questionne donc la pertinence d’un fablab en tant que nouvel espace d’expression et de création graphique.
Plateforme C est un fablab qui existe depuis 2012, il se situe dans un grand hangar sur le port de Nantes. Il met à disposition de ses adhérents un panel d’outils divers, des plus classiques aux plus récents comme les machines à commandes numériques (découpes laser, découpe vinyl, fraiseuses numériques, imprimantes 3D,…). La communauté des adhérents rassemble des personnes très ancrées dans la culture numérique, l’électronique, le bricolage, la culture libre.
JOUR 1 – – – LUNDI : DÉCOUVERTE
Nous sommes accueillis par Charlotte (responsable du projet) et Maëlle (animatrice du fablab) autour d’un café. Elles nous présentent les objectifs et le programme de la semaine. Chaque participant se présente et fait part de ses envies.
Voici la mienne : En tant que typographe, je suis adepte à la fois de l’écriture et de l’image imprimée ; le point commun c’est la trace, l’empreinte : ce sera l’objet de mon enquête. Dans le contexte de la résidence, je me demande quelles formes nouvelles je peux développer avec des outils à commande numérique pour en obtenir des traces.
Ensuite la journée de prise de connaissance du fablab démarre, on nous remet un petit carnet dans lesquels nous sommes invités à noter nos expériences, pour pouvoir les documenter. L’après-midi continue avec une formation aux différentes outils : découpe laser, découpe vinyle, fraiseuse numérique (en version small et XL). Maëlle nous en explique le fonctionnement et nous montre les interfaces dans lesquelles on rentre les différents paramètres. J’entrevois déjà une possibilité avec la fraiseuse numérique de « bidouiller » les paramètres pour obtenir des traces générées par la machine, j’imagine alors tirer parti de l’overlap (recouvrement) pour laisser apparaître de la matière sur le chemin effectué par la machine lorsqu’elle doit évider une surface, et donc en obtenir une trace.
JOUR 2 – – – MARDI : PREMIERS TESTS
Je n’ai pas encore d’objectif précis, je décide donc de commencer par explorer à partir de chutes de différents matériaux (médium, cartons, contreplaqué, plexi…) déjà usinés par les machines du fablab, gravés ou découpés à la découpe laser ou à la fraiseuse numérique.
1.
J’imprime des chutes sur une presse à épreuve typo, une petite presse à bras ou encore à l’aide d’un pressoir manuel avec de l’encre taille douce. Je teste l’impression en relief et en creux. Laurent, le responsable du fablab, paraît amusé ; il reconnait parmi les images imprimées les travaux des adhérents, ces formes sont pour la plupart nées d’exigences purement techniques : circuits électriques, queues d’arondes pour des boîtes à encastrer…
2.
Ensuite, je fais des tests de dessin/écriture, toujours à partir de chutes, trempées dans de l’encre de chine, des outils low-tech voient le jour, avec une pince à linge ou un manche à balai. Rapidement, la nécessité s’impose de mettre au point un manche qui puisse s’adapter aux différentes épaisseurs des outils et les maintenir stables pour une meilleure ergonomie du geste de dessin.
Le soir (chez moi bien au chaud), je dessine différentes petites têtes d’outils en me basant sur mes expériences de la journée. Je les découperai avec la découpe laser sur différents matériaux le lendemain matin.
JOUR 3 – – – MERCREDI : DÉCOUPE LASER
Je m’attaque à la découpe laser. Au début, je rencontre un souci parce que l’interface fonctionne avec Inkscape (logiciel libre) qui redimensionne mon dessin réalisé avec un autre logiciel vectoriel (I…….or, pour ne pas le citer:). Je plonge donc dans mes douloureux souvenirs de maths pour revenir à mes dimensions originelles. Et hop ! C’est parti ! Je découpe le dessin sur différents matériaux (médium, carton ondulé, carton gris, contreplaqué, placage bois très fin…) plus ou moins épais (de 0,5 à 3mm) en ajustant à chaque fois les paramètres. Ça fonctionne plutôt bien, j’arrive à obtenir une très grande finesse grâce à la précision du laser. Puis je commence à fabriquer des manches dans l’atelier bricolage, aidée des précieux conseils de Laurent.
L’après-midi, je discute avec Julien, un adhérent qui utilise régulièrement la petite fraiseuse numérique. Il me dit qu’on peut créer un effet qu’il appelle “jardin japonais” en jouant, non sur l’overlap comme je pensais le faire, mais simplement en mentant littéralement à la machine sur le diamètre de la fraise qu’on utilise.
L’idée de raconter des bobards à une machine et de voir ce qui se passe, me plait beaucoup !
On fait un test de jardin japonais à partir d’un de ses dessins sur le matériau qu’il utilise (sorte de biopolymère composite assez dur). L’effet a fonctionné. J’ai compris le principe : je vais donc faire un dessin très simple. En réalité, il va s’agir uniquement de poser quelques obstacles dans un carré noir pour voir comment la machine va les contourner et évider le noir. En trois clics mon dessin est prêt, je le graverai avec la fraiseuse sur du linoléum qu’on utilise habituellement en gravure pour pouvoir les imprimer. Vivement demain !
JOUR 4 – – – JEUDI : GRAVURE NUMÉRIQUE
Je prends en main la petite fraiseuse numérique. Le démarrage est un peu difficile, probablement en raison du froid intense qui finit par émousser ma patience. L’interface me paraît une montagne de complications et tout s’embrouille dans ma tête ! Heureusement, Charlotte qui me voit me débattre, vient à la rescousse, nous suivons pas à pas les instructions basées sur des précédentes expériences clairement documentées sur le wiki fablabo. Et zou ! Ça y’est ! C’est magique : la fraise trace de jolis petits sillons réguliers dans le linoléum tendre. Ragaillardie, j’enchaîne tout de suite avec d’autres essais, en utilisant à chaque fois des fraises différentes et en variant le différentiel entre le véritable diamètre de la fraise utilisée et celui que j’indique à la fraiseuse. Je mens donc à cette petite machine, parfois juste un petit peu et parfois beaucoup, ceci afin d’obtenir des résultats les plus variés possibles. Je note bien entendu tous mes tests, pour pouvoir plus tard à mon tour documenter ces recherches sur le wiki.
L’après-midi c’est les Openateliers, beaucoup d’adhérents viennent travailler malgré le froid tenace de la journée. Ils observent ce que je fais et nous partageons nos différentes expériences avec la fraiseuse et la découpe laser. Si ce matin je n’en menais pas large, maintenant je sais de quoi je parle !
JOUR 5 – – – VENDREDI : IMPRESSION DES GRAVURES
J’imprime les linos gravés à la fraiseuse numérique, ça fonctionne plutôt bien. Le fait d’avoir des sillons et des reliefs de largeur variables créé des rapports de masses plein/vide qui produisent des impacts visuels vraiment différents, on a du mal à imaginer que je suis partie de la même image. C’est d’ailleurs dans ce rapport de pleins et de vides que résident les enjeux de l’image imprimée. Le lien avec mes pratiques habituelles en atelier est donc clairement établi. Même si cette fois c’est la machine qui a fait le travail de gravure ! Je fais donc cinq tirages de chaque plaque (6 au total) avec la petite presse à bras prêtée par Julien à l’occasion de la résidence.
Je réalise aussi quelques tirages des 6 linos ensemble.
Avant de nettoyer les plaques je prends des photos car je sais que je n’aurai plus ce joli contraste des linos encrés pour la première fois, le nettoyage va étaler la teinte de l’encre un peu partout et ternir un peu l’ensemble.
Je finalise aussi plusieurs manches pour mes outils d’écriture.
Bien occupée avec tout ce travail, je n’ai même pas encore eu le temps de tester mes petits outils. Geoffroy, lui, décide de les essayer, suivi de près par Julia, les effets sont vraiment pas mal ! Je réussi quand même à faire quelques traits en fin de journée, c’est assez grisant !
JOUR 6 – – – SAMEDI : POINT FINAL ET RESTITUTION PUBLIQUE
Je refais quelques impressions à partir de chutes de matériaux (celles du premier jour) sur un papier de meilleure qualité, pour la restitution qui a lieu cet après-midi. À côté de moi, Geoffroy utilise ma version beta (chute + manche à balai) d’outil d’écriture avec des encres de couleurs sur des grands formats, il a l’air de s’éclater !
Et je boucle la boucle en imprimant la contreforme de mes petits outils d’écriture, comme un petit point final à cette semaine d’expériences qui a commencé avec l’impression des chutes.
Il n’y a plus qu’a ranger et installer tout pour la restitution à 16h. Je présente sur les tables le cheminement de mon travail de la semaine par ordre chronologique en terminant par une table ou les visiteurs (grands et petits) sont invités à tester mes outils d’écriture.
Cette semaine bien intense a été une belle occasion d’expérimenter, de m’approprier ces nouveaux outils à commande numérique (envers lesquels j’avais quelques réticences), de me familiariser avec la culture libre et le partage des connaissances. Tout cela vient enrichir mon travail de nouvelles réflexions, et puis c’est aussi le début d’une autre aventure, puisque j’ai maintenant une nouvelle collections d’outils personnels avec lesquels je peux continuer à expérimenter… Affaire à suivre…
Merci à PiNG, à Charlotte, Yana, Maëlle, Laurent, Mona, Thomas. Merci à Julien pour ses précieux conseils sur la petite fraiseuse et pour sa presse à bras. Merci aussi aux 5 autres participants : Julia, Yana, Geoffroy, Hugo, Maxime.
Petite pirouette-ellipse de fin d’année pour le lettrage éphémère que j’ai réalisé sur la vitrine de Renaud de La Contre Étiquette. C’est un marchand de vin super passionné, installé rue Saint-Denis, à deux pas de la cathédrale de Nantes. L’échoppe de son voisin, maraîcher bio, s’est vue, elle, affublée d’une flopée de flocons de chez Flo-Flo (haha pas facile à dire !).
Du 25 au 27 septembre, Les Ateliers de la Ville en bois où je suis résidente, ouvrent leur portes, c’est l’occasion de me rendre visite et découvrir l’endroit où je travaille. Plusieurs ateliers d’artistes sont installés dans les différents locaux de cette ancienne et jolie usine familiale qui fabriquait des entremets naturels. Nous sommes 5 artistes à occuper l’ancienne cuisine de l’entreprise. Et 6 autres créateurs sont installées dans les autres pièces de ce bel édifice.